Riposte : un roman coup de poing sur la grossophobie et le harcèlement

« je ne suis rien de plus que ma taille, et cette taille fait de moi
rien, et trop.
un
paradoxe. » – Riposte

⭐️⭐️⭐️⭐️,5/5.
À peine reçu, je me suis jeté sur ce titre et je l’ai dévoré en moins de vingt-quatre heures. Et j’ai adoré ce roman, même s’il est dur et qu’il chamboule par les thématiques qu’il aborde.

En effet, il est ici question de grossophobie et de harcèlement poussé à l’extrême (il est d’ailleurs important de noter que les numéros d’aide sont présents à la fin du roman). Certaines scènes sont difficiles à lire, à tel point que j’avais l’estomac noué une bonne partie de ma lecture. J’étais tellement énervée devant cette méchanceté gratuite et cette injustice que j’avais parfois envie de rentrer dans le roman et prendre les gants avec Lily afin de distribuer deux ou trois droites 🥊

Le plus malheureux, c’est que l’on peut facilement s’identifier à Lily car ce genre de situations sont bien trop fréquentes dans notre société… Je me suis retrouvée dans certains de ses mots (et de ses maux), partageant avec elle sa colère et sa peine, ce qui rendait ma lecture d’autant plus poignante et violente. C’est un roman révoltant mais nécessaire. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette lecture ne laisse pas indifférent.

Ceci est d’ailleurs largement amplifié par la plume de l’autrice (et par sa merveilleuse traduction réalisée Clémentine Beauvais). En effet, les vers libres percutent. C’est un texte magnifique mais brute, dur, fort et parfois cru. Un vrai coup de poing. Ici, pas de non dits, ni de tabous : les insultes et les violences sont écrites noir sur blanc, choquantes à certains moments. L’environnement de Lily est aussi dépeint dans toute sa laideur, sa crasse et sa pauvreté, avec des personnes droguées sur les trottoirs etc.

Néanmoins, cette forme de récit a aussi ses inconvénients. Effectivement, il m’est arrivé de trouver que certaines scènes n’étaient pas suffisamment claires. Peut-être le style, ainsi que le rythme et la sonorité étaient-ils quelques fois privilégiés par rapport au sens du texte ?

De plus, j’ai eu parfois l’impression que l’écriture en vers ne permettaient pas de donner tous les détails que la prose peut rendre accessible. Ainsi, il m’a manqué certains approfondissements par moments. Riposte est un roman court – de 250 pages – et j’ai regretté que l’histoire aille parfois un peu vite. J’aurais par exemple aimé que l’autrice développe plus certains personnages secondaires (comme le père et l’oncle de Lily ou encore Rosie).

Si, lors de la majorité du roman, nous avons accès à la voix de Lily, il y a aussi quelques passages (marqués par une typographie différente) où la mère de Lily, Bernadette, prend la parole. Nous apprenons que celle-ci souffre d’obésité morbide et que, comme sa fille, elle lutte contre son poids et contre le regard des autres et de la société (ayant même subi de la discrimination à cause de son apparence, ce qui lui a valu d’être renvoyée de son dernier travail). Ces passages sont touchants – bouleversants – et d’autant plus lorsque nous voyons à quel point Bernadette s’inquiète pour sa fille qu’elle aime et admire infiniment. Par le prisme de Bernadette, l’autrice aborde aussi le sujet de la chirurgie bariatrique : est-ce « tricher » ?

Le père de Lily est aussi une figure forte de ce roman. Il est très protecteur et c’est lui qui pousse Lily à faire de la boxe afin de reprendre le pouvoir sur ses oppresseurs. Ainsi, elle saura se défendre mais aussi apprendre à aimer son corps. Il est évidemment question ici d’amour de soi, de son corps et de l’importance qu’on accorde au regard des autres.

Néanmoins, certaines remarques du père de Lily m’ont dérangé et/ou questionné (« tu t’apitoies sur ton sort ») : pourquoi faut-il que Lily change pour s’aimer et être acceptée par la société ? L’amour de soi doit-il forcément passer par le sport et une prise de muscles / perte de poids ? Ne partageant pas vraiment ces idées, j’ai parfois un peu tiqué… Mais, je dois reconnaître, qu’au fur et à mesure, on remarque que le sport devient un échappatoire pour Lily et non plus une corvée et quelque chose qu’elle fait en se forçant pour ne pas abandonner. Finalement, même si je n’ai pas adhéré à tout ce qui est dit sur ce sujet, j’ai trouvé que c’était intéressant que la boxe soit au cœur de ce roman.

J’ai aussi particulièrement aimé la façon dont est découpé ce récit, en quatre parties. Celles-ci suivent vraiment l’évolution progressive de Lily et son cheminement : dans sa façon d’être, de se voir, de se comporter, de s’ouvrir aux autres…

Enfin, une relation amoureuse éclot entre Lily et une jeune fille. Celle-ci amène de la douceur et de l’espoir dans ce roman souvent sombre, ce que j’ai bien apprécié, même si l’orientation sexuelle de Lily est aussi source d’insultes.

En bref, un roman aux thématiques fortes, dures mais essentielles, porté par une plume percutante. Un livre poignant qui ne vous laissera pas de marbre.