Hazel Wood de Melissa Albert, toutes les histoires ne se terminent pas par « ils vécurent heureux… »

Vous allez pénétrer dans un univers sombre et dangereux. Que vous passiez les frontières de ce monde interdit ou non, le danger rôde. Sentez-vous donc cette odeur si… particulière ? Est-ce la signature olfactive d’un ravisseur assoiffé de sang ? Pourquoi Alice semble-t-elle être la cible à abattre ? Ou plutôt celle à déstabiliser, effrayer, enlever ? La jeune femme va comprendre que si elle veut retrouver Ella, il va lui falloir étudier les Contes de sa grand-mère et enfin, se rendre à Hazel Wood. Très vite, nous saisissons que la vie d’Alice n’est absolument pas ordinaire et que les choses qui la marquent ne sont pas forcément celles qu’un autre enfant aurait recueillies. Aidée de Finch, un ami très intéressant, Alice va aussi devoir partir dans une quête identitaire fascinante, mais effrayante. Son histoire se finira-t-elle par « Ils vécurent heureux… » ? Rien n’est moins sûr.

L’originalité de ce roman peut sembler moindre si l’on se contente de lire la 4e de couverture. Alors que si l’on prend le temps de découvrir l’histoire, on va très vite comprendre qu’il n’en est rien. Si nous pouvions penser que Melissa Albert s’inscrit dans la tendance réécriture de conte, nous avons tout faux. Il ne s’agit pas d’écrire un beau récit rempli de combats héroïques et d’amour façon Prince charmant. Alice va devoir affronter des choses bien plus terrifiantes, glaçantes ou impitoyables qu’une Blanche Neige ou Cendrillon. D’ailleurs, ma comparaison n’a même pas lieu d’être. Attention, je ne dénigre en aucun cas les contes traditionnels, populaires ou plus obscurs. Non, ce que je veux mettre en valeur c’est la manière atypique avec laquelle l’autrice traite le sujet. Et c’est brillant. Je ne peux pas en dire plus à ce sujet, car je ne souhaite surtout pas vous « gâcher » l’effet de surprise. Et si l’on peut dire que le roman est rythmé, n’oublions pas la façon prodigieuse qu’a l’autrice de placer retournements de situations, surprises, bouleversements, catastrophes, rencontres et frissons dans les moments auxquels nous n’attendions pas de tels éléments. À chaque ligne, chaque page, nous sommes tenus en haleine, nous demandant quel sera le prochain désagrément sur la route de la jeune femme. En tout cas, nous retenons notre souffle avec elle, car nous comprenons très vite que l’Hinterland n’a rien de sympathique. Et ils sont là… partout.

Amateurs de Tim Burton (c’est mon cas), soyez assurés d’aimer ce roman. Même si Melissa Albert possède son propre univers, son imaginaire qui nous embarque dans les ténèbres et les brumes, nous pouvons en effet penser à la noirceur des œuvres de Mr Burton. Pour un peu nous pourrions imaginer les personnages de l’autrice prendre vie à l’écran, sous l’impulsion créative et prodigieuse du cinéaste. Les personnages d’Hazel Wood sont sculptés à la perfection et leur mode de pensée est accessible au lecteur sans jamais gâcher pour autant les rebondissements ou prises de conscience de chacun. Si Alice a toujours fui les fans de sa grand-mère, ici elle n’aura pas le choix que de collaborer avec un fan absolu de l’œuvre d’Althea. Car qui mieux que lui peut la conduire à Hazel Wood, mais surtout à l’Hinterland. D’ailleurs, qu’est-ce que l’Hinterland ? N’est-ce pas juste le Monde imaginaire de l’œuvre unique de sa grand-mère ? Vous pouvez parier sur tout un tas de théories, celle de la romancière sera tout autre. L’intrigue n’est finalement pas du tout facile ni linéaire, alors que nous pensions simplement être dans une enquête légère qui mêle du fantastique.

Si la première partie du roman sert à installer l’intrigue, poser le décor et l’Histoire de la famille d’Althea, la seconde partie elle, nous plonge totalement dans les brumes d’un monde fantastique, mystérieux, étrange et sans contours nets. Un peu comme si nous pouvions errer dans cet « univers parallèle » à l’infini, à moins d’avoir en mains ce qui peut aider notre progression. Et c’est là que je tiens à remercier sincèrement Page Turners pour les trois enveloppes envoyées dans l’attente du roman et que nous retrouverons bien entendu dans le livre. Je me suis imaginé, partir sur les routes désertes et dangereuses, équipée de mes « outils » et voyager jusqu’à Hazel Wood, jusqu’à l’Hinterland. Mais que valent les personnages de ces lieux ? Peut-on leur faire confiance ? Oui, Hazel Wood comporte aussi un beau message de tolérance et nous propose diversité et homosexualité sans jamais avoir à expliquer ou justifier les choses. Au contraire, c’est ici parfaitement ordinaire, normal, et ça, ça fait du bien. L’univers horrifique confère quelques frissons, surtout si comme moi vous lisez cette histoire en pleine nuit, mais n’est pas non plus « gore » ou « volontairement glauque ». Nous sommes en quelque sorte dans l’anti conte de fées où toutes nos idées reçues peuvent être pulvérisées en une fraction de seconde.

La relation mère-fille dans ce roman a toute son importance. Alice n’a jamais eu qu’elle, sa référence, celle qui passait son temps à fuir et à protéger son enfant. Une mère aimante, mais « maudite » et qui, chaque fois qu’elle trouve une certaine stabilité, se voit confrontée à l’horreur et aux démons de son enfance. Car la relation d’Ella et Althea est aussi remise en cause et quelque peu disséquée. Si Alice a toujours été fascinée par sa grand-mère, elle en veut à sa mère de ne jamais avoir accepté de les faire se rencontrer. Au fur et à mesure de l’avancement, la jeune femme apprend à connaitre et comprendre les choix de sa mère, à respecter alors ses décisions. Et si les souvenirs sont parfois flous, ils n’en sont pas moins vibrants d’amour maternel. Quelque part, c’est un sublime clin d’œil aux difficiles relations entre adolescents et parents, les plus jeunes se révoltant au sujet des choix et des décisions qu’imposent les parents. Pourtant, c’est toujours, ou presque, fait avec le plus grand amour possible.

Concluons sur le style général de l’œuvre et par conséquent la plume de l’autrice. Bien entendu, ici je ne juge que la traduction de cette plume, mais l’histoire est solide, je n’imagine donc pas que la traduction ait pu affaiblir ou renforcer le tout. Non. Le style est immersif, les odeurs nous parviennent, les sensations, les peurs, les questions, les relations, les liens, l’intrigue elle, monte si progressivement (mais pas lentement pour autant), qu’on se retrouve ballotté d’un univers à l’autre sans aucun moyen d’en sortir. Ce qui se traduit chez le lecteur par une difficulté immense à reposer le livre. D’ailleurs, dès la deuxième partie du récit, je n’ai plus quitté le livre, levant les yeux uniquement le temps d’une rasade d’eau ou d’un café. J’ai déserté les réseaux sociaux pour un monde sans téléphone ni internet, un univers de contes de fées où tous ne finissent pas par vivre heureux. En revanche, dans le monde réel, où rien n’est joué d’avance, cela pourrait être tout autre… Aurez-vous le courage d’affronter l’Hinterland ?

Melissa Albert est une autrice que je vais désormais suivre de près. Ce roman m’a convaincue de sa maitrise d’un style personnel et pertinent. Elle confère à tout ce qui entoure son intrigue une dose d’étrange et soupçon d’effrayant. Pour elle, l’inexplicable fait partie du jeu et elle ne cherche en aucun cas à justifier les digressions dont elle abuse par rapport aux contes classiques. Enfin, j’ai envie de dire que cette belle histoire d’amour mère-fille est une touche de douceur dans les épreuves que va devoir traverser Alice. L’autrice n’a nullement peur de briser des cœurs ou de montrer l’horreur d’un monde cruel.

Coup de cœur pour ce roman qui m’a permis de déconnecter, souffler, voyager… peut-être pas rêver, mais frissonner et admirer le courage d’une jeune femme que rien n’avait préparée à la cruauté de ce monde, de ses origines et de l’univers de la célèbre Althea. L’histoire m’a plu du début à la fin et les choix audacieux, inattendus, mais excellents de l’autrice m’ont conduite progressivement au coup de cœur.

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